Biographie du peintre Y.V.Titov
(Messager de l'Action Chrétienne des étudiants russes, N°100, Paris, 1971)
(publiée sans que le peintre en eut connaissance et sans son autorisation)
Titov, Yuri Vassil’evitch, est né le 19 janvier 1928 dans la province de Vladimir. Il déménagea encore lors de son enfance à Moscou, où il vit à ce jour. En 1951 il est diplômé de l’Institut d’Architecture de Moscou. Il se mit à la peinture de façon sérieuse étant encore étudiant. Il était passionné par les paysages et les portraits.
Jusqu’en 1957, l’œuvre entière de Titov avait un caractère entièrement réaliste, bien qu’il réalisât déjà des peintures au sujet symbolique et surréaliste, dans des tons sombres. A cette époque-là, ses peintres préférés étaient Velázquez, Titien, Monet, Chichkine et Vroubel. A partir de 1957, aprèsl’exposition internationale de peinture contemporaine à Moscou, Titov s’essaye à la peinture abstraite, et peint des œuvres au contenu abstrait.
Dans les peintures de cette période-là Titov voulut exprimer l’harmonie et la disharmonie du monde contemporain et de sa propre âme pour que, à l’aide de la peinture, il pénètre dans le monde mystérieux et inaccessible de l’esprit et qu’il saisisse la signification secrète de l’harmonie et de l’unité divines.
En mars 1962 l’on organisa une exposition de la peinture abstraite de Y.Titov dans un appartement privé, et qui s’avéra être la première exposition de l’art abstrait soviétique des 40 dernières années. L’exposition ne dura que quelques jours, mais jouit d’un succès considérable et attira une foule de spectateurs, surtout chez la jeunesse. Comme l’on sait, il y avait même un livre de commentaires, où chacun pouvait commenter aussi bien les œuvres exposées que l’art contemporain en général.
Après cette exposition, il y eut un mouvement dans l’œuvre du peintre vers une compréhension plus profonde du sens de l’art dans la vie humaine. Ces recherches l’amenèrent vers la foi en Dieu, vers une acceptation intérieure de la foi chrétienne et, enfin, vers le baptême. Ce mouvement commença déjà lors de sa période abstraite.
Le déclic extérieur vers cette nouvelle étape lui vint de sa rencontre avec l’exceptionnel chef d’orchestre américain Robert Shaw, qui vint en Union Soviétique en 1962 pour des concerts.
Le répertoire du chœur comprenait la Messe en si mineur de Bach qui, dans son interprétation par le chœur et l’orchestre, sous la direction d’un chef brillant, s’avéra être une véritable découverte pour le tout-Moscou mélomane et laissa une impression indélébile dans l’âme du peintre. Elle était à ce point forte que le peintre décida de dédier une peinture représentant le Christ à Robert Shaw et l’offrit au chef d’orchestre remarquable.
A partir de ce moment commença une nouvelle étape dans l’œuvre de Y.Titov, qui, pour autant que l’on sache, continue encore à ce jour.
A partir de 1962, Titov réalisa une grande quantité de peintures au contenu religieux-philosophique. La signification de ses œuvres antérieures et aussi contemporaines, se trouve maintenant pour le peintre dans sa spiritualité, dans la mesure où il atteint les valeurs supérieures, c’est à dire religieuse. Selon le peintre, la destinée de notre civilisation chrétienne est, plus que jamais, définie par les paroles de son Fondateur, Jésus Christ : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn. XIV, 16).
A notre époque apocalyptique, quand le monde est proche de son auto-destruction, il est grand temps pour l’humanité pensante de s’en souvenir. Dans l’art mondial, en commençant par la Renaissance et ce jusqu’à nos jours, la volonté faiblit de résoudre la question du sens et du but de la vie humaine. L’oubli de la vérité qui nous est révélée par les Ecritures a mis le monde contemporain au pied de la catastrophe. L’art contemporain ne produit que le monde superficiel, à quelques rares exceptions près, ayant oublié la base spirituelle primordiale.
En fin de compte, non seulement cela ne forme pas la personnalité spirituelle de l’homme, mais cela amène à la mortification et la destruction de l’âme de l’homme contemporain.
A la lumière de ce que nous avons dit ci-dessus, nous pouvons comprendre quelles périodes dans l’évolution de l’art mondial le peintre apprécie le plus et quelles sont les plus significatives : l’art médiéval tardif et le début de la Renaissance, pour l’Europe occidentale, et l’art antique russe, pour la Russie.
Dans la période actuelle, dans l’œuvre de Titov s’exprime une interprétation tragique du siècle atomique, où le combat perpétuel du Bien et du Mal (des Weltanschauung religieux et antireligieux) atteint des sommets.
Mais le peintre ne fait pas que constater combien notre époque est apocalyptique; il essaye aussi de nous montrer la seule sortie possible, selon lui, de l’impasse dans laquelle se trouve la conscience contemporaine.
En dehors des œuvres religieux-philosophiques, Y.Titov exprime aussi le passé de la Russie de façon poétique (peintures au sujet historique ou légendaire).
Les amateurs d’art européens avaient la possibilité de voir quelques œuvres au contenu religieux-philosophique, peintes par le peintre dans les années 1963-1964 : à la fin de 1967, il y avait une exposition des œuvres de Yuri Titov à Stockholm et d’autres villes scandinaves, commentée par la presse suédoise.
Vraisemblablement, le peintre serait heureux si les amateurs de peinture dans beaucoup de pays avaient la possibilité de se faire ne serait-ce qu’une idée de son œuvre.
*comme l’on sait, Y.Titov et son épouse ont été arrêtés et internés dans une clinique psychiatrique pour leur participation à une démonstration de juifs exigeants le droit d’émigrer vers Israël. Tous les deux ont été libérés début juin.
Note de la rédaction : ce texte a été rédigé et transmis au "Messager" par Elena Stroieva-Titov, comme nous le confirme sa fille Elena Titov (Paris, 2008).
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